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06.10.2008
Cameroun : Des longs couteaux sur la chaire de l’EEC
Chrétiens, anciens d’Eglise et pasteurs s’affrontent avec des moyens sataniques pour le contrôle de l’Eglise Evangélique du Cameroun. La bataille est davantage larvée entre les partisans d’un retour des ressortissants sawa écartée de la direction depuis près de deux décennies par les Bamilékés-Bamouns qui n’entendent pas lâcher prise. Les enjeux des élections générales de fin de mandat prévues en 2009 aiguisent les appétits. Le Ngondo pour un retour de la présidence de l’EEC aux Sawa.
« Une nouvelle étape chargée de défis s’ouvre pour l’avenir de notre Eglise : les élections générales de fin de mandat (2004-2009). Marquée par les principes de la réforme, notre Eglise doit constamment se réinventer et se renouveler en se laissant guider par le Saint-Esprit. La célébration du jubilé, les résultats attendus de l’évaluation, les réflexions portant sur les textes fondamentaux, attestent que notre Eglise est en mouvement, qu’elle est vivante », s’ouvre la lettre commise par Isaac Batome Henga, actuel président de l’Eglise Evangélique du Cameroun aux Présidents des régions synodales, des Présidents des districts, des Pasteurs responsables des paroisses, aux Evangélistes responsables d’annexes et au peuple de Dieu au sujet des Elections générales dans cette congrégation religieuse. Cet appel a davantage ravivé les tensions de leadership qui couvent depuis quelques temps au sein de l’EEC.
En effet, l’Eglise Evangélique du Cameroun est dominée par trois grands groupes ethniques en l’occurrence les Sawa qui revendiquent leur ancienneté à cette Eglise, les Bamouns, considérés comme le deuxième grand groupe ethnique à adhérer à l’EEC et enfin les bamilékés. Cette grande congrégation qui compte des millions d’adeptes et qui est considéré après l’Eglise catholique comme le deuxième groupe religieux le plus important au Cameroun a toujours été dirigée alternativement par des pasteurs originaires de ces groupes ethniques. A la présidence de cette Eglise, se succédait alors après chaque mandat de 5 ans un pasteur sawa, ensuite un bamoun et enfin un Bamiléké et vice versa.
Par ailleurs, les trois personnages les plus influents de cette congrégation se recrutaient à chaque fois et automatiquement parmi les ressortissants de ces grands groupes ethniques. Seulement, cette dynamique a été rompue il y’a bientôt deux décennies. A la présidence de l’EEC se sont succédés les pasteurs Lameré, Njike, Fochivé et l’actuel président Batome. Ces quatre derniers sont originaires des deux derniers grands groupes ethniques qui forment l’EEC. Les pasteurs Laméré et feu Fochivé sont originaires du département du Noun, donc des Bamouns pendant que leurs collègues Njiké et l’actuel président Batomé sont des bamilékés ressortissants du département du Ndé.
L’approche des élections qui débutent en octobre prochain par l’élection des anciens d’Eglise ravive les appétits. De nombreux clients soupçonnent l’actuel président Isaac Batome Henga de vouloir rempiler. Les règles qui régulent l’EEC l’y autorise pourtant, mais seulement, « il faut qu’il accepte de céder la place à quelqu’un d’autre et de préférence à un sawa. Il y’a longtemps qu’ils n’ont pas dirigé l’Eglise pourtant ils sont les tous premiers chrétiens de notre congrégation », s’emporte un chrétien qui revendique son appartenance à la province de l’Ouest. « Le fait pour nos frères bamilékés et bamouns de s’accrocher depuis plus de dix ans à la présidence de l’EEC et de vouloir encore y rester laisse penser qu’ils ne sont plus là pour servir Dieu et son peuple mais des intérêts égoïstes. Si ce n’était pas le cas, pourquoi pas laisser à quelqu’un d’autre et de préférence à un sawa », ajoute un autre chrétien qui préfère lui aussi l’anonymat. Les réunions de minuit se multiplient ainsi entre les pasteurs originaires de ces différents groupes ethniques et quelquefois d’ethnie différents mais engagés dans des tractations pour la répartition des postes dans les différentes directions de l’Eglise.
Le Ngondo a ainsi pris position et milite ouvertement pour le retour de la présidence de la l’EEC à un fils sawa. « Ce qui nous intéresse, c’est maintenir l’unité de notre Eglise. Ceux qui sont là depuis quelques temps sont en train de la transformer en une activité lucrative à souhait où chacun vient se servir et non plus servir Dieu et son peuple », crie un ancien d’Eglise d’origine sawa. Des tractations souterraines battent leur plein. La méfiance est de mise. « Au stade d’aujourd’hui, et avant ces élections, on pourrait enterrer quelques protagonistes. Il ne s’agit pas d’un petit combat de surface », prévient sous anonymat un chrétien.
Des titres fonciers individuels sur des biens collectifs.
La lettre du président Isaac Batome relatif aux élections générales à l’EEC fait jaser. Elle précise que ces élections qui se rapportent à l’ensemble de l’EEC concernent les anciens d’Eglise dans les paroisses, les membres du bureau des districts, les délégués au synode régional, les membres du bureau des régions, les délégués au synode général. « Pourquoi ne fait-elle pas allusion au bureau de l’Eglise et de la commission exécutive, notre président veut-il faire croire aux chrétiens qui ne sont pas considérés les élections à ce niveau ? ça sent la manipulation », s’emporte un ancien d’Eglise. Des soupçons directement balayés par un autre ancien qui pense que le moment venu, des recommandations supplémentaires seront apportés. En effet, le contenu de la lettre qui organise ces élections générales est confus. Habitués à prier et à chanter bien plus qu’à s’interroger sur la marche de l’Eglise, des chrétiens n’ont aucune connaissance de son fonctionnement, donnant ainsi la latitude aux pasteurs de les manipuler à souhait.
Les chrétiens sont pourtant à la base du processus qui concourent à la mise sur pied du bureau de l’Eglise et de sa commission exécutive qui sont les deux principales instances qui organisent l’EEC. Ils élisent les anciens d’Eglise. Tous les anciens d’un district donné en sont membres et mettent sur pied le bureau du district. L’église évangélique étant subdivisée en région communément appelé région synodale, les districts élisent les délégués à la région qui siègent désormais au synode régional. Ces derniers élisent alors le bureau de l’Eglise et les membres de la commission exécutive. Président de l’EEC , Isaac Batome Henga vit et travaille à Yaoundé délaissant le siège de l’EEC situé au centenaire à Douala. La paroisse de Nlongkak dans laquelle il officie depuis de nombreuses années est présentée comme très juteuse au point où il ne serait pas prêt à la céder à un autre pasteur. Ces cas de règne sans fin sont légions dans les œuvres de l’EEC où la course vers l’enrichissement est devenu un sport favori.
Les œuvres médicales et les nombreuses institutions scolaires de cette Eglise ne sont pas épargnées. Autrefois cité parmi les meilleurs au pays, la mauvaise gestion doublée de l’affairisme a rejeté les écoles de l’EEC parmi les moins compétitif du moment. Au nom du père, du fils et du saint esprit pour les chrétiens naïfs. Au nom du père, des voitures et des virements pour leurs guides. Dieu saura reconnaître les siens.
© Camer.be : Charles Ngah
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